vendredi 31 mai 2013

Conférence magistrale de Mario Vargas Llosa : Un barbare à Paris

Par Elsa


La Sorbonne, dix-neuf heures et des poussières. La salle se remplit dans un brouhaha étourdissant. On se salue, on s’embrasse et on attend avec impatience l’arrivée "del Llosa". C’est au bout d'un quart d’heure que l’ancien prix Nobel descend les marches de l’amphithéâtre, entouré de quelques professeurs. Il prend place sous une avalanche de flash pendant qu’un attroupement se mobilise afin de régler d’inévitables problèmes techniques. Décontenancée par l’immédiate simplicité de l’homme, je réalise que j’ai en face de moi l'un de mes auteurs favoris, dont l’intelligence littéraire et sociale semble appartenir à un temps révolu.

C’est avec naturel que ce grand nom de la littérature sud-américaine ouvre le bal dans un silence aussi soudain que religieux. De la tristesse viscérale éprouvée à la mort de D’Artagnan, à l’admiration inébranlable vouée à la multitude de vies extraordinaires des personnages des Misérables, en passant par l’apologie de l’authenticité littéraire de Malraux, Mario Vargas Llosa nous livre un émouvant et tendre hommage à la culture française. Elle aura été pour lui une source d’inspiration indéniable, mais également le catalyseur d'une prise de conscience identitaire.



La prise de conscience. C’est justement l’objet de son discours. A travers le récit de ses expériences et des ses voyages, l’auteur nous fait partager l’évolution et le façonnage d’une pensée qui outrepasse le domaine de la simple fiction littéraire. Au-delà du plaisir d’écrire et de lire sommeille une volonté sincère de participer à la bonification et à l’évolution d’une société en profonde mutation. Il évoque sans détours et avec humour le cheminement tourmenté de cette pensée politique, tantôt séduit par l’apparente irrévocabilité des idées sartriennes, tantôt confus face à l'imperméabilité d’un socialisme ambiant presque dogmatique.

En introduisant plus tard la question du rôle de la littérature au sein de la société, Mario Vargas Llosa semble regretter l’époque d’une littérature-instrument, pleinement ancrée dans le réel et engagée dans la construction d’une histoire et d’une vie sociale communes. Aujourd’hui reléguée au rang de divertissement, sa marginalisation et sa redéfinition moderne l’inquiètent. Comment désirer le progrès sans avoir conscience de la médiocrité ? C’est avec conviction qu’il revendique la nécessité de confronter le caractère absolu et perfectif de l’œuvre littéraire à l’inachevé de notre réalité sociale. Face à un public qu’il aura su tenir en haleine de bout en bout, il terminera en affirmant que c’est dans la frustration et l’imperfection que réside le progrès, et ce depuis la nuit des temps.


N'hésitez pas à aller jeter un oeil ici, vous y trouverez un article très intéressant sur la conférence, rédigé par Juan Peces, un de nos amis hispanophiles !

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